Derrière ses hardiesses et sa quête effrénée des femmes, ce sont Dieu, les hommes et l’ordre du monde que Don Giovanni raille et défie. C’est en cela que sa chute sera inéluctable et son châtiment foudroyant. L’opéra de Mozart – un dramma giocoso, c’est-à-dire un drame joyeux – dit tout cela avec une force irrépressible. Le livret habilement troussé de Lorenzo da Ponte reprend le mythe de Tirso de Molina, dont Molière a aussi fait son Don Juan ; mais la musique de Mozart, dès l’ouverture, pare l’ensemble d’une dimension métaphysique qui dépasse de très loin l’anecdote. Don Giovanni est la quintessence du génie mozartien, une sorte d’absolu du genre, où le haut et le bas de la nature humaine se côtoient, où flirtent le tragique et le grotesque, le sublime et le dérisoire, les élans spirituels et les plaisirs de la chair. Le tout coulé dans la plus divine musique jamais écrite. Celle qui fera dire à Richard Wagner que Don Giovanni est « l’opéra des opéras ».